{:fr}Lettre ouverte à Monsieur le Ministre de la communication{:}{:en} Open Letter to the Minister of Communication{:}
Monsieur le Ministre, quand votre Gouvernement fera-t-il enfin confiance à l’expertise locale ? Elle est pourtant avérée, connue et même reconnue au-delà de nos frontières. Faire appel à une ONG étrangère pour opérer de la bobologie alors que des ONG et associations médicales camerounaises existent. Qui ignore Dr Bwelle avec son ONG Ascovime ? Ou le Pr Mouafo qui écume le pays pour opérer des fentes palatines ? Des organisations de camerounais de l’intérieur et de la Diaspora existent et on peut y puiser toutes les ressources humaines que l’on veut (MEDCAMER, Camfomedics, etc.). Quelle est selon vous l’impact de cette façon de faire sur l’image de notre pays ? Quelle confiancepeuvent avoir les patients en notre système de santé si à chaque fois on doit attendre un « sorcier blanc » pour pouvoir se soigner convenablement ? Cela est selon moi contreproductif. En effet, ils finissent par être conditionnés et pensent à tort que les gentils étrangers leur apportent tout gratuitement tandis que nous, inhumains, demandons de l’argent pour faire quoi que ce soit. Cette manière de penser est bien présente dans l’inconscient collectif, faisant de nous les boucs émissaires d’un système congestionné, inflammé et constipé qui se contente de mettre des pansements superficiels sur des plaies profondes.
Ensuite, Monsieur le Ministre, dites-nous quel est pour l’Etat le coût de cette gratuité. 6000 personnes partiront de tous les coins du pays avec au moins autant de garde-malades. Plusieurs ministères assureront leur transport, nutrition, séjour à Douala. Le plus grand navire-hôpital privé du monde séjournera 10 mois au port autonome de Douala, avec des centaines de personnels techniques et de membres d’équipage. Bien qu’on soit dans l’humanitaire, Il est évident que cette gratuité est financée en amont par les généreux donateurs de Mercy Ships et l’Etat camerounais. Ne pouvait-on pas, Monsieur le Ministre, avec ces mêmes deniers publics, faire opérer ces patients par des Camerounais dans leur région avec ce que cela comporte de formation-renforcement des capacités des médecins locaux et mise à niveau du plateau technique ?
Que gagnera durablement le Cameroun après le départ du navire-hôpital ? Qu’auront appris les médecins et infirmiers de la prise en charge de tels cas ? Si je m’en tiens à mon expérience personnelle de ces missions humanitaires si prisées chez nous, RIEN. Les équipes visiteuses viennent en général complètes. Personne ne vérifie les qualifications et les autorisations de ses membres. Les médecins locaux, s’ils sont admis, doivent souvent regarder de loin le champ opératoire. Il y a peu de communication et parfois même de la condescendance envers eux. Malgré tout, c’est à eux que revient le devoir de faire le suivi postopératoire. Dans ces conditions, plusieurs complications graves sont survenues après de telles missions, mais tant pis, les humanitaires n’étaient plus là. Mes collègues comprennent mieux de quoi je parle. Il est plus que temps que l’Ordre National des Médecins du Cameroun vérifie les qualifications et accrédite les médecins impliqués dans de telles missions afin que notre pays cesse d’être une pétaudière-gisement de matière première expérimentale pour certains charlatans.